HARKNESS : Entrons dans le roman…

Harkness - Extraits

Vous vous souvenez sans doute d’un concert qui vous a remué au point de remettre votre vie en question en sortant.

Particulièrement avec des artistes qui insufflent beaucoup d’énergie, comme Bruce Springsteen.

“Cette impression que la vie me traverse en un flash d’éternité”

Ce sont les mots du Boss dans ses mémoires lorsqu’il évoque cette sensation d’être sur scène avec son groupe.

C’est ce qui se passe également pour nous, spectateurs en tribunes ou dans la fosse, qui prenons en pleine face chaque chanson comme si elle ne s’adressait qu’à nous. Un mot, un refrain, un solo de guitare, de sax ou de piano…

Et, d’un coup, notre vie nous interpelle, le passé nous rattrape.

Ce 11 juillet 2016, à Bercy, je ne pensais pas que ce concert allait à ce point changer ma vie.

En sortant, j’étais métamorphosé, le souffle coupé et cette première inspiration :

Et si le fil de ces 33 chansons racontait l’histoire d’un gars, arrivé là par hasard ?

Et si l’incident – qui s’est réellement produit au cours du concert – était lié au passé de cet homme et allait lui en révéler une part sombre ?

Ainsi est né John Harkness, ce spectateur égaré qui allait voir sa vie le traverser en 33 tableaux,
comme autant de flash-backs se fondant en un flash d’éternité.

Je vous invite à entrer dans le roman…

par ma lecture musicale, en un premier tableau : cliquez ici >>

John Harkness avait la tête comme une bonbonne, prête à exploser.

[…]

Lorsqu’il se trouva à nouveau dans le pub, il surprit sa mine dans un miroir. Elle était aussi pâle que du porridge, se dit-il. Il avait vraiment besoin de vitamines. Il retira sa veste et l’accrocha à une patère du comptoir devant laquelle il prit place, sur un tabouret.

– Une pinte de Guinness, s’il vous plaît.

À prononcer ces quelques mots, dans un français parfait, il se sentit déjà mieux. À cinquante-sept ans, John était aussi sec qu’un single malt sans glace. Une taille moyenne, des épaules larges et le port droit, il avait le visage raviné et des yeux clairs dont le blanc jauni au whisky tirait sur le vert. Arrangé dans un costume gris, chemise blanche ouverte, sans cravate, il semblait usé par la vie, et cette journée n’arrangeait rien. Même la Guinness n’était pas dans son état normal. Il grimaça à chaque gorgée, ravalant cette amertume qui ne venait pas uniquement de la bière mais d’un arrière-goût de déception. C’était un vrai problème à Paris. Rares étaient les pubs avec une stout potable, à la saveur douce et amère, une mousse onctueuse comme une crème sur un cappuccino avec ces petites notes uniques de tourbe et de malt qui vous ramènent, le temps d’une gorgée, de l’autre côté de la Manche.

« Pouah ! Ici, on devait la brasser avec les eaux usées de Paris », pensa John.

Heureusement, il savait où trouver cet élixir, dans un pub irlandais, près de l’Olympia. Demain, se dit-il, avec l’empressement d’y être.

***

Pas besoin d’être fan du Boss pour lire ce roman, bien au contraire: John Harkness non plus ne le connaissait pas.

***

Harkness d’Antonio Pereira (2018), à découvrir ici >> 

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