Aimer sans imaginer

Mirage_Lecture-25

“ Aimer sans imaginer.
Sans imaginer ce que l’autre pense de moi.
Aimer comme une enfant.
Aimer sans les noeuds au cerveau, pour ne garder que le coeur à coeur.
Ne pas aimer le lien qui m’unit à l’autre, aimer l’autre.

Aujourd’hui, j’ai 43 ans.
Assise dans le canapé rouge, seule ici depuis quatre jours maintenant, je me demande ce que c’est que d’aimer.
Armand me rejoint ce soir.
Il a confié les enfants à des amis du quartier.
Il va bientôt quitter la maison, rejoindre la gare et monter dans le train.
Dans quelques heures, je le verrai arriver au loin sur le quai, son visage se rapprocher, ses mèches brunes se détailler.

Je poserai un baiser discret sur ses lèvres, lui m’encerclera de ses bras, m’embrassera dans le cou et à peine arrivés dans la voiture, nous nous jetterons l’un sur l’autre avec fougue.
J’imagine plus que je ne vis.
Je rêve
du jardin à l’anglaise que je n’aurai jamais, parce que je n’ai pas la main verte et qu’Armand est indifférent à toute forme d’esthétique.

Je rêve que je suis en train de lire les pieds sur le radiateur chaud, alors qu’Eudes, assis devant moi attend que je paye à la Bonne Paye.
Je rêve de vivre ailleurs alors que je vis ici. “

Extrait du roman Douter, de Félicie Petit-Nivard.

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