Têtus tout poilus, Ravis tout polis : genèse d’une histoire

Têtu-Ravis Insta

L’histoire de cet ouvrage m’est venue alors que je me promenais dans l’un de mes parcs préférés.

Je voyageais alors loin de mon île du Pacifique. Nos inspirations ont-elles à voir avec nos pas de côtés ? Peu importe ! Toujours est-il que je me promenais seule, quand se sont pointées une tribu, puis une seconde et avec elles les premières phrases. Des noms saugrenus dansaient dans mon imaginaire. Au fur et à mesure que je marchais, j’inventais un pays. Je n’avais rien pour écrire. Aussi, je tenais ce monde bien serré dans ma mémoire, me récitant des suites de mots, tentant de les aligner sur la page de mon cerveau.

Puis j’ai posé tout ce monde sur mon cahier et, quelque temps plus tard, sur l’écran. C’est ainsi que je fonctionne : je marche. Avec la marche viennent les phrases. J’écris les débuts à la main, puis je les reprends au clavier. Parfois, je poursuis sur l’ordinateur, mais j’ai toujours besoin de revenir à la lenteur, au mouvement graphique qui accompagne la pensée, au stylo et à la feuille.

Ce sont les sons qui, au début, mènent la danse. De drôles de noms arrivent et s’imposent. Ils prennent toute la place, ils se chamaillent, veulent être les premiers et les plus forts de l’histoire.

Comme ils ne sont pas encore écrits sur la page, ils roulent des mécaniques, pensent que tout est possible. Ainsi sont les inspirations fulgurantes. Tombées du ciel, elles se croient plus légitimes que les autres et ne céderaient leur place pour rien au monde. N’est-ce pas elles qui sont à l’origine du texte ? Et pourtant, il faut parfois les sacrifier, tant elles encombrent de leur suffisance. Parce que les jolis mots ne suffisent pas à faire fiction. C’est qu’il faut raconter, tirer un fil, créer une réalité sur le papier qui ait du sens.

Mais que raconter au juste ?

Sans doute, voulais-je retrouver la capacité à m’émerveiller d’un rien. Sans doute, cette promenade au parc m’invitait-elle à creuser des sillons dans le trop-plein de cette existence où nous sommes souvent plus occupés à nous plaindre qu’à nous réjouir. J’écris nous, que les plus sages d’entre vous, qui savent encore s’enchanter, me pardonnent !

S’enchanter, voilà le verbe qui convient ! De retour chez moi, dans mon bureau océanien, bercée par le chant incessant des oiseaux, j’ai voulu écrire un conte enchanteur. J’espérais, en l’écrivant, le lisant, que nous retrouvions notre âme d’enfant, trop souvent oubliée, cette âme parfois étouffée, étrangère aux turpitudes de ce monde consumériste.

Dans cette histoire, qui pourrait bien être la nôtre, les Têtus-tout-poilus sont toujours de mauvais poil. Jamais contents, ils bougonnent et, quoiqu’ils fassent, rien ne va! Les Ravis-tout-polis, en revanche, sont toujours heureux et quoiqu’il arrive se réjouissent. Ils sourient, s’entraident et transforment la boue en or.

Nous connaissons tous des Têtus-tout-poilus et des Ravis-tout-polis. Nous sommes tous, selon les heures, Tout-poilu ou Tout-poli. Pourtant je crois, comme vous sans doute, que chacun d’entre nous aspire à être un Ravi-tout-poli, toujours heureux.

Comment se ravir, se départir de soi, sans fuguer ni trahir ? Comment nous réinventer, nous ouvrir à l’inconnu, lâcher nos petits arrangements avec nous-mêmes ? Comment faire le tri parmi nos vieilles pensées ?

Je ne sais. Comme vous peut-être, je cherche et je chemine, m’efforce de « tendre vers » pour éveiller le Tout-poli-toujours-heureux qui sommeille en moi.

Les Ravis-tout-polis méditent, lisent, composent, écoutent de la poésie ou de la musique, ils respirent, chantent, cultivent, désherbent, œuvrent ensemble, grimpent, jouent dans les montagnes… Peut-être ont-ils la réponse à nos questions.

 

Retour en haut