Souviens-toi et Pleure

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Comme elle l’imaginait, Olga, prétendant un divorce houleux qu’il fallait régler rapidement, obtint assez vite un rendez-vous avec Christèle Jouve.

Quelques jours après, elle prit le TGV INOUI Paris-Cavaillon et loua une voiture pour avaler la vingtaine de kilomètres qui la séparait de Saint Rémy de Provence. La route était très agréable, l’été pointait son nez et les cigales commençaient à chanter, alors que le massif des Alpilles se découpait parfaitement sur un ciel d’azur. Elle aperçut bientôt le fameux clocher gothique de La Collégiale Saint-Martin, et se gara à proximité.

Elle eut immédiatement un coup de cœur pour la capitale des Alpilles, alors qu’elle s’avançait, à pied, vers le cœur de ville. Quel plaisir de cheminer au fil des rues pavées, de découvrir les jolies placettes ombragées par les platanes, le murmure d’anciennes fontaines en bruit de fond… De petits hôtels particuliers restaurés jouxtaient d’orgueilleuses maisons de maître. Les commerces de bouche, tous plus appétissants les uns que les autres, lançaient un défi permanent à la moindre velléité de régime…Au coin d’une rue, un musée, au détour d’une autre, de jolis cafés, ou des galeries d’art. Décidément, il faisait bon vivre à Saint-Rémy ! Alors qu’elle se dirigeait vers la rue Hoche, adresse du cabinet de l’avocate, elle stoppa net devant une plaque de marbre vissée sur le mur beige d’une petite maison : « Ici Naquit le 14 décembre 1503, Michel de Nostredame, dit Nostradamus, Astrologue. ». Elle leva les yeux : le n°6 de la rue était donc le berceau de l’un des plus grands mages d’Europe ! Peut-être l’assassin d’Aleksander avait-il foulé ces pavés, et connaissait parfaitement ce lieu ? Songeuse, elle poursuivit son chemin jusqu’à une imposante porte en bois noir portant le n°20. Elle se saisit du heurtoir et frappa plusieurs coups.

Un pas léger se fit entendre, une toute petite femme à l’air décidé parut dans l’embrasure de la porte. Brune, mince, elle portait de jolis bijoux d’argent, tous très fins, et un carré parfait encadrait son visage pointu.

-Bonjour, Christèle Jouve. Ma collaboratrice plaide à Arles aujourd’hui, nous sommes seules, nous pourrons parler tranquillement. Je peux vous offrir quelque chose à boire ? Divorcer est une étape difficile…

Olga fut prise de cours. Elle ne s’attendait pas à une interlocutrice si vive, si directe. Elle décida de ne pas lui faire perdre de temps.

-Maître, je vous remercie. Je voudrais vous parler…mais pas de divorce. J’ai pris ce prétexte, car je craignais, si vous connaissiez la vraie raison de ma visite, que vous ne me receviez pas.

L’avocate lui lança un regard soupçonneux.

-Si c’est pour un témoignage anonyme ou ce genre de chose, je ne suis pas flic, c’est eux qu’il faut aller voir.

-Non, ce n’est pas ça, mais c’est important.

Olga avait appuyé sur le dernier mot, usant de son ton le plus convaincant.

Christelle Jouve lui tourna le dos, lui intimant de la suivre par un petit signe de la main. Elles traversèrent une jolie cour pavée, puis pénétrèrent dans un bureau élégant, de plain-pied. Carreaux de Salernes au sol, murs blancs et décoration minimaliste, seuls quelques oliviers en métal brut trônaient sur les rayons d’une grande bibliothèque.

-Vous aimez ? Ce sont des sculptures de Jean-Philippe Fally. Les Saint-Rémois sont très attachés aux oliviers. Je vous écoute.

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