Mon enfance morte par Jean-François Beauchemin

JFB

J’ai lu il y a quelque temps dans un discret entrefilet du journal local que mon enfance était morte, et que les funérailles allaient avoir lieu sous peu, au cimetière du village.

Au jour prévu, je me suis mis sur mon trente-et-un et je suis allé à ce rendez-vous. La petite tombe était ornée de fleurs simples, et gravée de ces mots prononcés par Théo Van Gogh à l’intention de son frère Vincent : « Trouve beau tout ce que tu peux ».

La nature était calme, et dans les arbres enneigés quelques oiseaux s’attardaient, un foulard enroulé autour du cou. Leur chef chantait des chansons entraînantes, qu’un orchestre de jeunes subalternes accompagnait au rythme de la batterie, tenue par un merle particulièrement doué.

Le soleil brillait avec une sorte de pudeur, aurait-on dit, lassé peut-être de ses grandes incandescences de l’été dernier. Puis le ciel s’est encore un peu élargi, et à un moment il y en a eu jusque dans les coins.

À la fin tout le monde est parti, et je suis resté seul devant la pierre tombale.

Je repensais à cette enfance morte, et je lui étais reconnaissant de ce qu’elle avait préparé pour mon avenir. Puis je suis retourné vers l’auto en faisant mes premiers pas dans cet avenir. J’avais le sentiment qu’il me restait en vérité beaucoup à faire. Le plus difficile allait être de continuer à honorer, sans jamais faillir, ce que l’enfance avait si minutieusement aménagé pour moi.

 

photo : archives personnelles

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