L’enfance au bout du trait

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L’écriture, avec ses règles, ses accords, ses conjugaisons, ressemble parfois à une maîtresse d’école un peu trop sévère. Le dessin, lui, est plus indulgent : il accueille les hésitations, les traits tremblés, les idées floues. Je dessine depuis que je suis haute comme trois pommes. Et comme je n’ai jamais eu la taille mannequin — ni l’envie de grimper sur des talons de 12 cm pour voir le monde d’en haut — j’ai gardé un petit bout d’enfance en moi. Ce n’est pas une question de nostalgie, c’est une posture intérieure : celle de regarder le monde avec des yeux curieux, de jouer avec les formes, de ne pas trop se prendre au sérieux.

Dessiner, c’est aussi ouvrir des tiroirs. Pas ceux qui grincent dans une vieille commode en bois, non — ceux qu’on porte en soi, bien cachés derrière les apparences. Des tiroirs de mémoire, de rêverie, de sensations. On ne sait jamais vraiment ce qu’on va y trouver : une couleur oubliée, une forme qui rappelle un visage, une émotion qui n’a pas de nom.

Il suffit d’un trait, d’une courbe, pour que le passé ressurgisse. Un paysage griffonné sur un coin de carnet, et voilà qu’on se retrouve dans le jardin de son enfance, à courir après des papillons imaginaires. Le dessin ne raconte pas, il évoque. Il ne décrit pas, il suggère. Et dans ce tiroir-là, les souvenirs ne sont jamais rangés bien droit — ils débordent, ils s’entassent, ils vivent.  Oalie n’est pas née d’un simple trait de crayon. Elle est née d’un souvenir. Celui d’une petite chouette blessée, que mon père avait recueillie un jour, avec cette douceur grave qu’il réservait aux êtres fragiles. Elle était minuscule, tremblante, presque invisible dans ses plumes froissées.

Et pourtant, elle est devenue immense dans mon cœur.

C’était le premier animal que j’ai aidé à survivre. Pas seule, bien sûr — trop jeune,  certainement très  maladroite, mais fascinée comme jamais. Mon père m’a appris à regarder autrement : à voir la peur dans les yeux d’un animal, à entendre le silence comme un appel, à respecter la vie même quand elle tient à un fil. Il ne m’a pas fait la leçon. Il m’a montré, simplement, par ses gestes, par sa patience, par son regard.

Être auteur illustrateur n’est pas un choix fortuit, ni une vocation tombée du ciel. C’est une construction intime, patiente, nourrie par les expériences, les émotions, les transmissions silencieuses. C’est une manière de relier les fils du vécu à ceux de la création, de transformer les souvenirs en formes, les sensations en récits visuels. Dans ce métier passion, l’enfance n’est pas un âge révolu : c’est une source vive. Le regard curieux, la capacité à s’émerveiller, à ressentir sans filtre, sont des outils essentiels. Le dessin devient alors un langage parallèle, capable de dire ce que les mots taisent, de suggérer ce que la grammaire ne peut encadrer. Oalie, comme chaque personnage né de ton trait, est le fruit d’un vécu transfiguré. Elle incarne cette alchimie entre mémoire et imaginaire, entre tendresse et engagement. Dans chaque leçon qu’il m’a laissée, il y avait plus qu’un savoir : il y avait un rappel. Un fil invisible qui nous relie aux autres, à ceux qui nous ont précédés, à ceux qui viendront après. À nos ancêtres, à leurs gestes silencieux, à leur manière de regarder le monde sans le posséder.

Chaque apprentissage devient alors une mémoire partagée, une façon de faire corps avec le vivant, de s’inscrire dans une continuité discrète mais essentielle.

Merci à toi papa.

                                     Voici, chers amis lecteurs,  un extrait de ce conte :

Un soir, alors qu’un vent puissant soufflait sur les arbres,

des milliers de feuilles tournoyaient dans le ciel,

invitant dans cette danse endiablée, des brindilles

et des fleurs sauvages qui tapissaient un joli jardin.

WHOU -OU-OU-OU, faisait le vent.

PLIC PLOC, faisait la pluie sur les ailes de la petite Oalie

qui alla se mettre à l’abri sur le rebord d’une fenêtre.

La façade de cette maison était blanche comme le ventre de sa maman.

Des lampions et des guirlandes multicolores avaient été fixés au-dessus de la porte, donnant l’impression d’être à Noël alors que le printemps s’était installé depuis quelques jours déjà. Lorsque la petite chouette Oalie aperçut cette drôle de maison, elle fut attirée par de minuscules étoiles qui scintillaient tout autour.

D’un battement d’ailes et d’un mouvement rapide de la tête, elle plongea dans l’obscurité. Comme un avion prêt à atterrir elle se laissa guider par ces points lumineux  qui perçaient la nuit. Ces astres  n’étaient autres que des bougies qui avaient été posées sur la terrasse en bois. Les ailes bien ouvertes elle survola les lieux en formant deux grands cercles, avant de se poser tout en douceur. Oalie n’avait jamais vu de nid aussi GRAND, et si bien décoré .

Derrière elle, au loi, la forêt était en revanche bien sombre. Le vent soufflait trop fort  pour l’oiseau encore peu habitué aux rigueurs d’un climat devenu trop capricieux. Oalie frissonnait dans son habit de plumes légèrement mouillé.

En ce soir de printemps, elle se sentit très triste d’être seule, mais il fallait être courageuse comme sa sœur et son frère, eux aussi, partis très loin.

Une chouette ne peut pas rester petite toute sa vie (…)

Oalie n’aura plus jamais peur aux Editions du Panthéon.

Auteure  de trois albums jeunesse :

 Oalie n’aura plus jamais peur – sur le thème de la séparation, émancipation, l’environnement.

Une famille pour Nestor – sur le thème de l’adoption.   Editions du Panthéon;

La ferme enchantée de Monsieur Claveau – sur le thème de la solidarité – l’engagement et relations inter générationnelles. Editions Tavant.

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