Le polar, pas leur genre ?

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Pouvez-vous me citer trois auteurs de polars ? Bussi, Thilliez, Minier ?
Dans l’imaginaire français, le roman noir est commis par un homme ! Il y a quelques mois, j’avais dédié une newsletter au feel-good, un genre littéraire considéré comme une affaire de femmes. Côté genre policier, c’est plutôt le contraire, ce serait une affaire de bonhomme ! Vraiment ? Partant de ce constat, Cécile Cabanac, plume à l’encre sombre, a créé, avec un collectif d’autrices, Les Louves du polar. 

Rose pour les filles, noir pour les garçons, on n’en est toujours pas sorti ?
Cécile Cabanac — Il y a 6 mois, dans un salon, un monsieur d’un certain âge s’est planté devant une consœur autrice et lui a dit : « pfff ! Du polar écrit par une femme, qu’est-ce que ça peut valoir ? ». Voilà ! Qu’est-ce qui compte quand vous achetez un livre : le genre de l’auteur ou l’histoire qu’on va vous proposer ? Soyons jugées sur les histoires qu’on raconte !

Comment l’histoire des Louves a commencé ?
Cécile Cabanac — Nous avons créé le collectif Les Louves du polar, il y a deux ans, à la suite d’un certain nombre de salons où chacune avait vécu différentes expériences. Pour ma part, j’avais eu droit à la question : « comment peut-on écrire ça ? En plus, vous êtes une maman ? »

On a eu envie de dire que les femmes sont dans la vie et qu’elles ont un point de vue à apporter. Il y a, par exemple, beaucoup de choses à raconter sur les violences intrafamiliales et le polar s’en nourrit beaucoup. Les femmes y sont souvent en première ligne et leur point de vue enrichit le polar.
Nous avions aussi constaté, nous autrices, en voyant les files de femmes qui attendent leur dédicace devant les auteurs, qu’il existait une sorte de rapport de séduction. On s’est demandé ce qu’il se passait dans la tête des lecteurs, qui sont pour 80 % des lectrices. Il nous paraissait important de leur rappeler que nous sommes là. Ce que nous écrivons peut forcément les intéresser et les toucher. Même si ce rapport de séduction existe et existera toujours.

Et les lectrices commencent à venir ?
Cécile Cabanac — De plus en plus de lectrices nous disent être intéressées par ce qu’on écrit et ne pas avoir eu conscience du genre masculin très présent dans leur bibliothèque. On les détend tout de suite sur le sujet ! Nous-mêmes avions fait ce constat quand on a créé Les Louves. C’est logique, il y a peu de communication sur les autrices de polars francophones. Mais ça bouge !

Les Sisters in crime aux États-Unis vous ont inspirées ?
Cécile Cabanac — On s’y est intéressé au début. Mais on voulait d’abord faire quelque chose qui nous ressemble et être en mesure de le gérer. Au départ, on était six. Très vite, le nombre de membres a augmenté. Beaucoup d’autrices voulaient en être. Le sentiment d’être invisible est assez partagé !
On a décidé d’avoir une communication très centrée sur l’humour et montrer qu’on peut, nous aussi, envoyer du bois ! On a démarré avec notre vidéo, ce n’était pas très organisé. On en a parlé avec les libraires qui y avaient été sensibles. L’enseigne Cultura est venue vers nous pour nous soutenir. Ça a pris une ampleur qui n’était pas du tout prévue et qui nous a surprises.

Près de 40 % de la production de polars français est réalisée par des femmes, mais, dans le top 100 des ventes en 2024 [données GFK], on dénombre, pour les titres français, 38 auteurs pour 7 autrices. 

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