Le Pacte de nos mensonges

u315-Le-Pacte-de-nos-Mensonges-couv-modifiee

Le Pacte de nos Mensonges en quelques mots…

Dorothy Herd Smith (ex avocate) quitte l’Angleterre pour la douceur des bords de Loire, espérant effacer un passé qui la ronge. À Montsort, Dorothy tisse de nouvelles amitiés, partage des livres et des dîners, mais un meurtre ancien ravive des secrets que le village croyait enfouis.

Trois voix, autant de blessures, un seul mystère : qui a vraiment tué Irène Gravaud la nuit des vendanges ? Entre mensonges partagés et vérités étouffées, chaque révélation rapproche Dorothy et ses alliées d’un pacte impossible à rompre.

Suspense, passages à la mémoire et retournements inattendus — un roman choral où la tendresse et la culpabilité se disputent la vérité.   parution officielle le 10 octobre 2025

Quelques extraits, mes amis lecteurs.

Chapitre 1.

Quelques mois plus tôt… Aymé

La Loire, un grand fleuve de sable quelques fois mouillé. — Jules Renard
Aymé — ou Mé, comme le surnommaient ses collègues de l’entreprise de champignons où il avait passé près de dix ans — tapota le dessus de son lit d’un geste sûr, presque machinal, tandis que son regard s’égarait dans les entrelacs discrets des fils usés.
Les draps prévus pour une personne avaient la couleur de la craie qui avait vieilli. Au moindre geste de sa main pour lisser les plis du tissu défraichi et usé sur les bords, des milliers de particules argentées s’éparpillaient dans le filet de lumière qui effleurait timidement sa chambre.
Ce jour-là, le ciel paraissait morose, mais la chaleur, inhabituelle pour la saison, semblait s’infiltrer partout — à moins que ce ne fût l’anxiété, tapie au creux de son ventre, qui déréglait son corps jusqu’à le faire suinter comme en plein été.
Il était près de dix heures. De lourds nuages s’attardaient à l’horizon, au-dessus d’un paysage dont il ne
percevait plus rien — il s’en était éloigné depuis trop longtemps. Ce jour-là, celui de la Saint-Marcel — prénom de son père, qui n’avait jamais eu l’étoffe d’un homme bon, encore moins celle d’un martyr — il attendait la visite d’une dame. Mais, tandis qu’il guettait l’écho d’un pas dans le couloir, son fantôme — tapi dans les replis de sa mémoire — s’infiltrait dans ses moindres pensées. Dans ce lieu résolument neutre et sans lumière, il se crut à l’abri de cette mémoire qui le tenait rivé à son enfance. Pourtant, les images du passé défilaient en lui, telles les séquences d’un vieux film Super 8 qu’on s’obstine à projeter
— malgré les craquelures, malgré les couleurs délavées, devenues laiteuses. Il s’étonnait encore d’avoir reçu « Aymé » comme nom de baptême, lui qui avait été placé en foyer dès son plus jeune âge. Rejeté, brutalisé par un père aux mains trop larges, il s’estimait heureux que son visage ait échappé à l’empreinte de ces doigts puissants, aux paumes rêches comme du lin usé. Privé d’amour sans jamais en deviner la cause, l’enfant avait grandi à l’ombre d’une injustice muette — celle qu’on réserve aux êtres sans défense. Malgré une éducation écorchée, Aymé avait appris seul les rudiments de savoir-vivre, et cela lui avait valu quelques cadeaux de la vie qui récompensaient cet apprentissage solitaire. Dans son nouvel environnement, on le respectait, et il s’était lié d’amitié avec presque tout le monde. Un calme feutré rayonnait autour de lui — une évidence paisible. Dans l’atelier, on l’avait baptisé « l’Ange Aymé ».
Avant de retrouver cette femme qu’il voyait chaque jeudi, il glissa par habitude la main dans ses poches, dans l’espoir fugace d’y découvrir, par un heureux hasard, un palet breton oublié. Mais seules quelques miettes s’accrochaient encore aux coutures rugueuses de sa veste. Il poussa un soupir léger, à peine perceptible, avant de les porter à sa bouche, tenant de l’autre main un carnet où il consignait, avec détachement, les instants marquants de sa journée.

Il délaissait volontiers les repas qu’on lui proposait, mais le sucré conservait pour lui des vertus apaisantes. Un homme, qui l’avait soutenu autrefois, lui en offrait souvent après le service — leur goût, à lui seul, suffisait à adoucir ses journées. C’était dans un bar-tabac du centre de Saumur. Monsieur Pellouda et sa femme avaient quitté le Portugal plusieurs années auparavant, pour s’installer dans cette ville de province, convaincus qu’elle leur offrirait une vie meilleure. Pourtant, au fond d’eux, l’espoir de revoir un jour Monsanto ne les avait jamais quittés — ce petit village où José Pellouda et son épouse s’étaient croisés dans leur jeunesse, bien avant de s’unir. Même s’il n’avait plus tout à fait l’insouciance de ses jeunes années, il évoquait encore ces lieux avec le regard émerveillé d’un adolescent — comme si leur reflet dans sa mémoire restait inchangé. Les étroites rues pavées, les oliviers courbés par le vent, tout semblait encore imprégné de cette innocence révolue — celle d’un temps où les rêves naissaient librement, sans avoir encore heurté les frontières du réel.
Ce qu’il regrettait le plus, c’était d’y avoir laissé une partie de ses souvenirs. « Tu sais, Aymé, Monsanto, c’est un peu comme Montsoreau. Mais là-bas, pas de maisons en tuffeau : ce sont de belles et robustes constructions nichées entre d’imposants rochers de granit. Cependant, la maladie de Monsieur Pellouda anéantit tout espoir de retour. Entre deux palets bretons qu’il grignotait à toute heure de la journée, il aimait évoquer les instants précieux de son enfance sous le soleil. Captivé par ses récits, Aymé buvait chaque mot, imaginant une existence tissée de tendresse et de ces petits riens qui donnent un sens à la vie.”

Chapitre 2 (extrait)

Un carton rempli de casseroles
5 mai 2001, Montsort.

Les informations défilaient sur l’écran de télévision de Ms Dorothy Herd Smith, qu’elle gardait toujours allumée pour combler le silence pesant des premiers jours. Cette jeune retraitée britannique fraîchement débarquée en France avait choisi comme terre d’asile, une petite commune située sur les bords de la Loire où s’étire un long cordon de maisons aux façades en craie. Montsort comptait un peu moins de six cents habitants. Une église, une épicerie à l’anglaise — à la fois boulangerie, papeterie et fromagerie —
comme on en voit dans les villages où chaque mètre carré compte. De quoi tenir quelques jours sans avoir à prendre la voiture pour se rendre à Saumur. Les ruelles tortueuses étaient éclairées de brassées de valérianes sauvages et les entrées de jardins sans clôture semblaient réaffirmer l’hospitalité aux inconnus. C’était le lieu idéal pour poser ses valises, et les innombrables cartons de livres qui avaient épuisé les déménageurs, diligentés par la société « Nous sommes là avec vous, dans le 49 et ailleurs ». Avant de quitter l’Angleterre, elle avait procédé à un grand vide-maison, qui lui rappela qu’elle avait trop
souvent rempli sa vie de tout et, surtout, de rien. Elle avait entassé sagement, inlassablement ces boîtes, ces valises sans prévoir l’encombrement irréversible, mais ce n’était pas pour autant qu’elle devait cohabiter avec les ombres du passé — ces objets chargés de souvenirs, silencieux témoins d’une vie révolue. À la mort de sa grand-mère et de ses parents qu’elle chérissait tant, elle comprit que déménager
ressemblait à l’inéluctabilité d’un voyage sans retour. Dans les deux cas, entasser ainsi devenait vide de sens. Pas moins d’une tonne de meubles, de bibelots, et de tissus en velours aux motifs floraux, doux et apaisants, qui avaient servi à envelopper sa famille dans un cocon protecteur, devaient maintenant disparaître. Elle finit par comprendre que cette multitude de vestiges familiers compensait trop souvent l’inconfort de son existence. C’est alors que refit surface, avec une clarté bouleversante, le dernier tête-à-tête avec sa grand-mère.
Avant de mourir, celle-ci lui avait confié qu’elle regrettait d’avoir vécu dans une abondance irraisonnée — une vie de trop-plein qu’elle n’avait acceptée que par amour pour son mari. Ce regret, teinté de honte, résonnait souvent en elle.
Pourtant, ce sentiment n’était jamais partagé par son époux, convaincu que la richesse, lorsqu’elle était le fruit d’un travail acharné, ne pouvait être tenue pour vulgaire. Dorothy avait alors saisi la main de sa granny qu’elle sentit glisser peu à peu entre ses doigts. Dans un ultime effort, la vieille dame murmura à sa petite fille ces paroles qui, sans le savoir, deviendraient une part d’elle-même : “We are born without baggage, and we should run away in humility, sliding like a twig on the surface of the water, leaving the

wind free to choose… our destination1.”
À ce dernier mot, le vent l’emportait déjà, la faisant traverser l’autre rive — là où plus rien n’a besoin d’être nommé. Ce souvenir s’éloigna comme une brume, laissant place à un autre, plus récent, mais tout aussi chargé : celui du jour où Dorothy dut se résigner à vendre sa propriété à Caticott.
Le déménagement ne signait pas sa condamnation, mais lui intima fermement de faire le tri avant de quitter l’Angleterre, ce à quoi elle s’employa avec un détachement qui la surprit elle-même. Elle priorisa ses livres qui firent le voyage vers la France. Les bras chargés de ces boîtes et cartons qui semblaient lestés au plomb ; les déménageurs maudissaient en secret l’addiction de cette femme pour la lecture. En se demandant secrètement les raisons qui l’avaient motivée à garder tous ces ouvrages, certains
totalement défraîchis et légèrement saupoudrés de moisissure.

Ce jour-là, l’air était sec dans cette région du Maine-et- Loire. Un soleil persistant avait jauni les jardins et les racines des arbres bien en dessous du niveau de la mer! Cinq hommes de corpulence moyenne, mais aux mollets et biceps sculptés, comme ceux des sportifs aguerris, faisaient des allers et retours incessants dans les escaliers exigus. La chaleur excessive ne ralentit pas pour autant le
rythme de travail de ces employés qui avaient l’habitude d’intervenir dans des conditions rarement faciles. La maison à trois niveaux était constituée de pièces de superficie relativement modeste. Les couloirs étaient assez sombres, mais dégageaient le charme d’une époque où l’on se préoccupait davantage de la préservation de la chaleur que de la lumière. Dorothy avait eu un véritable coup de cœur
pour ce lieu. Sans la façade dissimulant la vie de ses occupants, on aurait pu l’imaginer comme la maison de la poupée Barbie dont rêvaient les petites filles.
À l’instar de l’idole de ces enfants, la nouvelle propriétaire était vêtue d’une robe aux plis souples et
vaporeux, imprimée de petites fleurs pâles à peine visibles, qui ajoutaient à sa douceur. Ses cheveux blonds, lumineux et soyeux, légèrement ondulés, encadraient son visage avec élégance, tandis que
ses yeux bleus, clairs et expressifs captaient l’attention dès le premier regard. Seul son tour de taille laissait présager que Barbie n’avait plus tout à fait vingt-cinq ans. Elle ne faisait rien pour cacher le temps qui passe : peu soucieuse des apparences, elle assumait pleinement ce qu’elle était — avec
une présence tranquille, presque magnétique, qui imposait le respect sans jamais le réclamer.
La maison qu’elle avait achetée à un vigneron à la retraite lui ressemblait : simple, solide, sans prétention. Un équilibre s’était installé dès les premiers jours : comme si les pierres anciennes et le calme des vignes reconnaissaient en elle une âme faite pour ce lieu (…)

Nathalie Pivert Chalon

https://www.mvoeditions.com/product-page/le-pacte-de-nos-mensonges en précommande frais de port gratuits -code P4  avant sa sortie nationale le 10/10/25

Retour en haut