La poésie sauvera le monde. Le titre de ce livre de Jean-Pierre Siméon me parle en ces temps de chaos, de brutalité et de vulgarité. Vous aussi ? Pour la nouvelle édition de ma newsletter, j’avais envie de beau, de sens et de douceur. Vous aussi, j’en suis sûre ! J’ai interviewé Sonia Pavlik, autrice de théâtre, de poésie et journaliste. Nous avons parlé de nouveau souffle poétique et de la liberté de cette forme d’écriture.
Tu es autrice pour le théâtre et de contes et tu publies ton premier recueil, Puissance de la discrétion. C’est l’oralité qui fait le lien entre ces formes d’écriture ?
Sonia Pavlik – La poésie peut se lire seul, mais elle se transmet et se partage. Je suis attachée à cette dimension-là. Quand on écrit de la poésie, on est très libre, on n’a pas besoin de grand-chose, pas même d’être édité finalement, même si pour moi, c’était très important que mon texte le soit.
J’ai commencé par le théâtre, mais la poésie a toujours été présente. J’avais un prof, Georges Werler, metteur en scène, qui débutait toujours ses cours par des textes de poésie. Il se passait quelque chose de très fort quand j’apprenais des poèmes. J’en lisais et j’en écrivais dans mon coin, c’était comme un laboratoire d’écriture.
Quel est le cheminement du laboratoire au recueil ?
Sonia Pavlik – La poésie est arrivée très tôt dans ma vie. Dès l’école. J’aimais apprendre des poèmes et les illustrer. J’ai adoré étudier les poètes parce que je trouve la construction des textes hyper intéressante. Le fait que chaque mot soit nécessaire.
Un lien s’est fait entre le rapport à l’oralité et ma rencontre avec les arts taoïstes qui est une façon très poétique de voir le monde. On est relié aux saisons, on cherche le sens de la vie à travers d’infimes détails ou des actions concrètes. La pensée taoïste est aussi très riche en métaphores et en correspondances. J’ai commencé à écrire un peu tous les jours. Au bout d’un moment, je me suis aperçue qu’il y avait un lien entre certains poèmes. Le recueil est né de ça.
On parle d’un nouveau souffle et d’un engouement pour la poésie. Tu ressens cette ébullition ?
Sonia Pavlik – Je la ressens énormément. Je suis quarantenaire et, quand j’avais 20 ans, lorsqu’on voulait écrire, on pensait plutôt à des récits, des romans, des autofictions ou du théâtre. La poésie était moins mise en lumière. Cela ne m’empêchait pas de m’y intéresser.
Il y a un véritable regain d’intérêt autour de ce genre qui a été un peu oublié ces dernières décennies, mais qui a toujours été très important. Au dix-neuvième siècle, les entrées en littérature pour les auteurs passaient souvent par la poésie. À l’époque, pour se faire connaître en tant qu’auteur, on écrivait des poésies publiées dans de grands journaux. Sur un plan matériel, Le Monde notait que le chiffre d’affaires de ce secteur de l’édition a augmenté de 17 % l’an dernier. Lors des lectures dans les librairies, des rencontres, au marché de la poésie, il y a plein de monde.
C’est un besoin dans une époque complexe ?
Sonia Pavlik – On est relié à l’enfance quand on écrit de la poésie. On ne se situe pas sur le terrain de l’explication didactique, mais sur celui du sensible, de l’invisible. C’est ainsi que je relie la poésie aux arts taoïstes. La force de la poésie, c’est qu’elle se situe ailleurs, elle est capable de saisir les contradictions, la complexité de la vie, le fait que tout n’est pas calculable, rationnel, explicable. C’est un peu galvaudé, mais on peut parler de réenchantement.
Il y a aussi une recherche de sens…
Sonia Pavlik – Je pense que cela correspond à un besoin de se réunir. Les soirées poésie me font penser à des veillées. Il y a un besoin de s’exprimer et une facilité à publier soi-même. On y trouve une grande liberté. On peut s’affranchir des circuits économiques, publier de la poésie sur Instagram, c’est un effet bénéfique des réseaux sociaux. On est dans une époque très paradoxale, inquiétante et, en même temps, il n’a jamais été aussi facile de créer.