La littérature au service des faibles?

La littérature au service de la faiblesse ?

Ce matin, je laisse de côté mon clavier, mes notes, mon prochain livre. Je tombe sur un post. Je le lis, le relis… et je m’ennuie. Comme devant une pub qu’on ne choisit pas, mais qu’on regarde quand même.

Une femme s’y décrit “entrepreneure, fille et épouse de chef d’entreprise.” Une lignée, un titre, un tableau bien brossé. Elle y reproche à d’autres de se plaindre, de se montrer vulnérables. “C’est vulgaire”, pense-t-elle, très certainement. Mais qu’y a-t-il de plus humain qu’une faille ? Qu’un doute, une fatigue, une fragilité ? Ce n’est pas parce qu’on les partage qu’on implore la pitié : parfois, c’est une façon de faire lien, de créer un peu d’authentique au milieu du vernis algorithmique.

Alors si cette femme préfère le storytelling sans une ride ni un accroc, grand bien lui fasse. Mais le silence poli sur les fêlures, c’est aussi ce qui rend le monde plus seul. Et franchement, ce n’est ni plus chic, ni plus sain. Curieuse époque… Où l’on confond pudeur et perfection, et où l’on érige l’invincibilité en vertu cardinale. Mais moi, je me demande : depuis quand l’humain ne fait-il plus partie du récit ? Qui a décrété qu’un aveu de doute, qu’un repli, qu’un mot trop personnel sur un fil social était indigne ? On parle beaucoup d’authenticité, mais à condition qu’elle reste photogénique. Or, parfois, un mot bancal, une vérité un peu nue, ça touche. Ça relie. Ça dérange, peut-être : mais c’est vivant. Et le vivant, c’est ce qui déborde, ce qui échappe. Tout ce que les filtres ne savent pas dompter. Et peut-être est-ce aussi pour cela que tant de gens lisent.

Parce que dans les livres, personne ne les interrompt. Personne ne juge. On y avance seul, mais jamais vraiment isolé. On y trouve des brèches dans lesquelles se glisser, des silences qui résonnent, des émotions qui ne réclament pas de justification. On lit pour respirer ailleurs. Pour entendre en soi ce qu’on n’ose pas dire à voix haute. Lire, c’est parfois tomber sur soi, par surprise. Entre les lignes, on se découvre un peu. La littérature ne fait pas la leçon, elle tend un miroir discret. Elle dit à voix basse ce qu’on n’ose parfois même pas penser tout haut. Elle accueille les doutes, les hésitations, les failles … et, sans jamais juger, elle les éclaire.

Dans ce monde qui se bouscule, qui change de visage chaque matin ou presque, les chefs d’oeuvre de la littérature nous rappellent que les émotions humaines, elles, ne datent pas d’hier. L’ennui, la révolte, le désir, la honte, le courage — ils ont déjà été dits, pensés, incarnés, parfois mieux qu’on ne saurait le faire aujourd’hui.
Les classiques, ce sont des voix. Elles nous parlent, même à travers les siècles. On y retourne non pour s’y enfermer, mais pour en ressortir avec quelque chose de plus ferme sous les pieds. Une phrase de Stendhal, un soupir de Rimbaud, une lucidité chez Dostoïevski : ce sont des repères quand l’époque devient floue.
Lire, relire, c’est parfois ne pas savoir, et chercher quand même. C’est tendre l’oreille, ouvrir les yeux, même un peu, même juste assez pour ne pas être emporté par le courant. Merci à tous les auteurs présents sur cette plateforme, à ceux qui écrivent ce que d’autres taisent, et qui mettent des éclats dans nos silences.

Nathalie

Un homme est bien fort quand il s’avoue sa faiblesse. Honoré de Balzac

Les mensonges des hommes m’inspirent ! On dit que les écrivains savent mieux que quiconque extraire la beauté du chaos. Les mensonges—qu’ils soient blessants, absurdes ou séduisants—révèlent souvent des vérités plus profondes…

Le Pacte de Nos Mensonges -septembre 2025 MVO éditions

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