Force est de le constater : il y a désormais beaucoup plus d’influenceurs et d’influenceuses que de followers. Eh oui ! Ils pullulent sur les réseaux, rivalisant de lourdeur et de vulgarité. Leur métier ? (car oui, il paraît que c’en est un) : parodier la voisine. Manque d’imagination ? Pas vraiment. Ici, la médiocrité est tendance et la platitude virale. Elles rasent les pâquerettes, certes, mais avec des paillettes et, surtout, sous la tyrannie du filtre. Ce filtre, et ses déclinaisons à l’infini, efface les rides et « arrondit » les angles. Pour varier l’ennui, on peut même s’offrir un « voyage » sans quitter son canapé : Paris, New York, Le Caire, en somme, l’illusion d’un tour du monde digital ( filtré) version Instagram.
Pendant ce temps, d’autres stars en herbe envahissent la scène : les aficionados de l’IA. Plus un statut sans passer par leur robot domestique. Miracle ! Les voilà soudain éloquents à faire pâlir Molière ou Shakespeare (selon le modèle choisi et la langue pratiquée). Il n’y a pas si longtemps pourtant, c’était la panne sèche à l’idée d’écrire un mail. Désormais, les timides du clavier sont devenus orateurs de salon, gavés de qualificatifs sortis d’un manuel d’écriture robotisé.
Mais sérieusement : avez-vous remarqué à quel point ça brasse du vide ? La majorité ne s’exprime plus, elle hyperventile. Les yeux rivés à l’écran, au rythme des stories, chacun s’expose comme une marchandise de saison sur un étal. Des fruits, des légumes, oui, mais connectés !
C’est ça, la modernité ? Se vendre au kilo de likes, se vautrer dans les algorithmes et se pâmer devant la viralité ? Sans oublier, bien sûr, les fake followers achetés rubis sur l’ongle pour gonfler les statistiques, c’est dire le niveau…
On a troqué la (vraie) conversation pour la conversion numérique, l’échange pour le déballage, la présence pour la présence en ligne.
Vous arrive-t-il, vous aussi, de n’avoir plus rien à dire à certains de vos proches ? De distiller des réponses laconiques à haut pouvoir anesthésiant, histoire de plonger la discussion dans un coma artificiel ? Réanimer des relations en état de mort clinique demanderait ( à ce stade) un effort presque surhumain…
Et puis, sait-on jamais : ces anciens amis se sont peut-être eux aussi lancés dans ce qui est désormais le plus vieux métier du monde version 2.0 : influenceur ou influenceuse. Non, ce n’est pas de la parano, c’est de la prévention affective. À l’heure où tout le monde s’exhibe en story, il vaut mieux cultiver l’art discret de la disparition.
Car il est des silences qui valent tous les mots, ou plutôt tous les maux. Parfois, mieux vaut faire le vide que le plein. Parce que le plein de rien, voilà la grande spécialité de notre époque.