Les anges aussi sautent dans les vagues Emmanuelle Ménard
“Elle arrive devant l’ascenseur, le cœur en épave. « Bon Repos », sa mère vient d’entrer « Au Bon Repos ». Cela sonne pour elle comme « Bonne soupe », « Soupe au vermicelle », « Émile, mon brave Émile ».
Ça sonne… Tirette d’alarme, tout se déglingue. Jamais elle n’aurait cru, non… Jamais elle n’aurait voulu que ça se passe ainsi, que cette nouvelle vie lui tombe dessus : sa mère, dans la vie puis hors la vie dans la vie. Comme le mauvais macaron dans la boite, celui qu’on jettera parce qu’il est un peu rassis, trop mou, trop dur… Trop ou pas assez, qu’importe, à jeter !
O ma fille, si tu savais… Si tu savais toutes les paroles mortes en moi et qui s’entassent comme des os. Cela me rappelle ces fosses communes que l’on avait visitées ensemble, près de Phnom Pen. Tu te souviens ? Le Cambodge. Tu disais que tu aimais « Brûler les terres avec moi ». Nous en avons dévoré, des kilomètres ! En train, en bus, en Tuk-Tuk… Et maintenant, regarde comme je suis, un cimetière de mots, une gisante qui attend qu’on vienne la laver.
J’aurais préféré voler. C’est un rêve que je fais souvent dans mon sommeil depuis que je suis rivée à ce fauteuil. Je plane… au-dessus de la capitale, des champs de maïs, de bruyère… De là-haut, Bruxelles ressemble à des toits et à des cheminées. Il doit en sortir des rêves, par la cheminée. J’aurais presque envie de les compter… Tu sais, comme l’homme d’affaires sur sa planète et qui compte ses étoiles. C’est assez amusant de voler : on a l’impression qu’il suffit de regarder en bas pour faire l’inventaire de la Terre. On se demande même si elle est peuplée, cette Terre, si ce n’est pas du vent, juste du brouhaha, du bruit pour rien.
Hier, tu as prononcé le prénom de Marc et tu as mis un peu de neige et de soleil dans ma chambre. N’attends pas que l’on te prenne par la main. Prends-la tienne et suis-la. Elle te guidera de la même façon que ma main est allée vers Pierre et s’est posée sur sa musique.
Sache que chacun porte une pierre précieuse en soi. Pense à la polir, cette pierre… Et même si elle reste brute, soulève-la, montre-la au grand jour ! Confie-toi à toi et laisse-toi bousculer ! J’ai bien confié mon piano à mon cœur. Notre seul malheur vient de notre manque de foi. Pourquoi se contenter du manque ? Crois-moi, la vie n’est pas un agenda. On fait des projets et des projets et on n’oublie de vivre. Quelle misère !
Si seulement je pouvais les prendre dans mes bras, ces arbres, comme quand j’étais petite. C’était grand-père Gaston qui m’avait montré : « Tu verras m’avait-il dit, les arbres sont sensibles, ils sentent tes mains. Après, tu n’as plus qu’à les écouter : ils te parleront de leurs humeurs d’automne ou de printemps, de la vie comme elle coule dans leur tronc, des naissances que supportent leurs branches, du poids de leur sagesse, de leur folie légère… Ils te confieront tout ce que tes mains demanderont. »
La révolution, celle de l’Amour, n’a pas dit son dernier mot. Il faut juste penser à la faire une fois pour toutes. Les jours roulent devant elle tels des tonneaux de vin qui enivre… Marc se sent roi en ce petit royaume et désire la reine à ses côtés. Quant à la reine mère, eh bien tout ne va pas si mal puisque, depuis deux semaines, celle-ci reçoit Ibrahim, qui semble la traiter comme une fleur.
Comme les heures sont délicieuses quand elles poussent dans le terreau de l’amour… Pâques a passé comme une flèche et Marc doit repartir. Cependant, l’alliance a été scellée. Elle pense à la montagne, qui peut rugir, frémir de son frimas, tanner les peaux et endurcir les cœurs. Qui a dit que la montagne était douce ? Les poètes, sans doute, qui en font les sommets de l’âme.
Victor avait tellement compté… Un poids lourd comme de l’or, inoxydable présence qu’elle réveillait chaque matin, parfois avec un sourire, parfois avec une larme, coulant jusque dans sa bouche et qu’elle avalait avec délicatesse.
La nostalgie ou la vie devant elle … Cela fait presque peur : tout ce bonheur, tout cet avenir ! N’est-ce pas un peu trop pour ses deux mains si menues ? Et sa mère, qu’en pense-t-elle ? Leur a-t-elle vraiment donné la bénédiction ? Et si oui, a-t-elle des attentes, des renoncements ? Du jour au lendemain, une rencontre. L’existence, un fauteuil à bascule ? De haut en bas, de bas en haut …
Elle pense à cette centenaire, qu’elle a croisée plusieurs fois dans le couloir, et dont la femme de l’opéra lui a parlé. Pas de famille, pas d’amis, des yeux et des oreilles, à peine ! Toujours habillée sur son 31, cette petite dame… Prête à mourir debout, la tête haute, le col propre et sans aucun mauvais pli, ni sur son chemisier, ni dans sa façon de parler, s’enquérant avant tout du personnel et de la santé des autres. Elle avait préparé sa fin avec la méticulosité d’une souris.
Au premier étage surtout, il y en a des déglingués et des « Pas dans leur assiette » ou « Pas dans leur tête ». Vaille que vaille, ils sont là, qui se frottent aux ombres, grattent les murs, muets de désespoir quand vient l’heure de la mise au lit. Mise au lit, mise à mort…
Plusieurs fois, elle n’a pu s’empêcher de rôder dans les étages avant de rentrer chez elle.
Vite, vite, vite ! Il faut des bras et encore des bras pour les coucher, tous ces gens pliés en deux. Chambre après chambre, le devoir s’accomplit à la vitesse du soleil qui se couche. Chacun dans sa case pour une soirée comme il faut, bien rangée.
Encore une surprise, comme à chaque appel. Cette fois-ci la pluie qui, chez Hélène, fait le soleil… Quelques coins d’enfance qu’elle grappille avec la curiosité d’un chien de chasse.
Décidément, Ibrahim est un don du ciel, l’inventeur du beau ; un metteur en scène aussi, dont le parti-pris, semble-t-il, est de mettre en ombre et en lumière. Hélène, une personne vertueuse qui n’en fait qu’à son cœur ? Pourquoi pas ? Hélène, devenue l’enfant qu’elle n’a pas été. Hélène, fille de la mer du nord et d’un jardin. Elle, fille de la ville. C’est difficile d’imaginer sa mère petite mais avec un peu de bonne volonté, on y arrive. Une personne, coupée de son enfance, ne ressemble-t-elle pas à un portrait sans pied ? Ou plutôt à un livre tronqué ? Une fausse doublure ? Elle a le vin ; Ibrahim, l’ivresse, le galop fou de ces rêveurs qui croient encore aux rêves. Tant pis ou tant mieux… Il a fallu que ce beau jeune homme arrive pour délivrer la belle.
Morceaux choisis d’une composition insolite, morceaux ou révélation de celle qui restera dans sa mémoire. Hélène a été, est, et sera plus qu’Hélène. Inutile de nier toutes les feuilles de l’arbre.
Mon cerveau est comme un sac de billes déchiré, avec les billes qui partent dans tous les sens. Je pense trop, c’est sûr. Ça doit être l’immobilité ; ou le silence. Si les beaux Romains de l’Empire me voyaient, ils me prendraient sans doute pour une Barbare, incapable d’y trouver son Latin ! Savais-tu, ma chère fille, que ce mot « Barbara » signifie « Qui bredouille » ? Au fond, ne sommes-nous pas tous ainsi ? Des êtres jamais complétement dessinés et qui, à défaut de bien parler la vie, se contentent de la bredouiller ? Heureusement qu’il y a Ibrahim le mercredi : il me lave de mes impuretés, ce cher enfant… Avec lui je trouve enfin l’âge du cœur.
Il était temps ! Ce petit homme, décidément, me plaît. Il blanchit mes noirceurs, m’installe au milieu des fleurs comme au milieu du printemps.
Chère Marie Delcourt, elle avait été mon premier tremblement de cœur, le sortilège où nos âmes se lisaient l’une l’autre… C’est drôle, depuis quelques temps, je repense à elle. Sans doute Ibrahim y est-il pour quelque chose… Tous deux me font penser à des jardiniers. Surtout lui : c’est un jardinier très spécial qui, chez les autres, retourne la terre pour y déterrer ce qu’il y a de plus noble. Marie… Il faut croire que le passé a sa propre respiration. Jamais je n’aurais soupçonné qu’elle était là, enfouie dans un coin de mon cœur.
Ne t’inquiète pas ma Jeannette, je ne vais pas te refaire la leçon du passé et du présent. Simplement, à se laisser faire, il nous arrive bien des surprises. C’est un peu comme si l’on était une commode dont les tiroirs sont tirés par des mains invisibles et mystérieuses. Parfois, cette commode peut grincer ; cela dépend des tiroirs, et des gens aussi…
N’oublie pas de penser au bonheur, ma Jeannette… Pense au plaisir de vivre, de sentir sur ta peau passer les secondes, pleuvoir un peu de ce ciel, qui nous couve avec tout l’amour que peut avoir une poule pour ses poussins. Les œufs ne sont pas d’or, je le sais bien. Mais ils ont le mérite d’éclore sous le regard bienveillant d’en haut avec, autour du berceau, ces fées que l’on pourrait appeler Soleil, Lune, Etoile…
— Voilà madame, on vient vous mettre au lit.
Eh bien, ce n’est pas trop tôt ! Je lui tirerai volontiers la langue, à cette jolie petite roumaine aux accents chantants. Mais bon, j’ai de l’éducation quand même.
Qui a dit que l’humour était la politesse du désespoir ? N’est-ce pas notre regretté Pierre Desproges ? Au fond, ici, on est un peu comme les tartines ou les médicaments : il leur arrive de nous oublier. Cela me rappelle la petite phrase du directeur, que tu m’avais rapportée en revenant d’une réunion pour les familles : « Si on pouvait configurer les résidents comme les tartines, ça serait plus facile ! »
Elle rit. Marc avec une marmaille, père au bercail. Mais non, inimaginable, il est bien trop… Trop pas assez, aurait-elle envie de dire : pas assez dans la ligne, le tableau, la page. Juste à côté. Comme elle, finalement, à côté de tout. Depuis des années et des années, bien avant sa mère, Victor… Victor qui n’avait fait que lui inventer une place, la remettre superficiellement dans l’axe.
Tout était faux et voilà que le masque se déchire : Marc le réflecteur de l’indicible vérité. Elle se sent comme une petite fille qui vient de tomber et prête à pleurer. Elle voudrait des bras pour la rattraper, l’élever dans les airs, la faire jouer encore, encore… Comme autrefois, avec Gaston, son grand-père, quand ils passaient des heures et des heures dans le jardin à transformer le temps en jeu et le jeu en aveux.
Voilà, c‘était cela ! Le même regard, la même nudité, ce terrible amour qui vous déshabillait en vous rendant à vous.
Cela me fait penser qu’il faudrait que tu me changes de table. A côté, ça a l’air un peu plus humain : il y a quelques bonnes sœurs, des dames assez élégantes, et un monsieur toujours habillé de la même façon, de la tête aux pieds ! Apparemment, il a décidé de porter des sandales toute l’année. Figure-toi qu’il s’appelle monsieur Sec. Le bon dieu a de l’humour… Il a bien raison, le bon dieu, il en faut, de l’humour, pour faire tourner le monde ! En tous les cas, ce monsieur Sec est très attentionné : tous les midis, il vient faire le tour des tables avec des « Comment ça va ? ». Un vrai gentleman. A la différence près, qu’au bout de cinq minutes, il a oublié et il recommence ! C’est drôle, à chaque fois que je le vois, j’ai envie de lui mettre une canne à pêche dans les mains. Ça doit être à cause de ses pieds nus et de son pantalon, un peu court sur jambes.
Moi qui pensais avoir apprivoisé l’immobilité, je me bats contre elle maintenant. Elle peut bien prendre mon corps, cette garce, et me ronger de partout, mais elle n’aura pas ma tête ! L’intérieur est encore intact. J’y suis, j’y reste, dans cette citadelle !
Pierre, s’il revenait, passerait sa main dans mes cheveux et me dirait : « Mon cher ange, je sens tes idées sous mes doigts, il y a un monde là-dedans qui n’appartient qu’à toi. ». Il savait me déculotter l’âme, mon Pierre. Je veux dire, me deviner dans toute ma justesse. Sais-tu que sur Vénus, la température au sol dépasse les 400 degrés… La voix de Pierre brûlait mes oreilles, un soleil qui affleurait ma peau. Il a fallu qu’on se quitte pour garder notre amour. Lui avait compris avant moi.
J’aimerais tant suivre sa foulée, boire dans son verre, écouter nos silences. Vivre avec un artiste, ma Jeannette, c’est vivre tout court ! La feuille est tâchée, cornée, raturée, et l’on aère l’espace à coups de vœux pour demain.
Marc est la fin et le début, l’épine dorsale d’une vie fragile, et les échos de leur rencontre pourraient se casser comme un verre tellement la parole est fourbe. Mais elle parlera, oui, elle parlera ! puisque tôt ou tard Paule la fera parler. Alors la petite mort surviendra et la naissance sera officialisée, glorieuse, coupante, guerrière peut-être…
L’intime murmure demeurera, glacis d’oiseaux au corps étrange où l’infini mystère perce comme l’amour.
Ce soir, c’est décidé, elle téléphonera à Ibrahim. Lui saura bien trancher. Il sait toujours, sans même qu’on lui demande. « C’est normal, lui avait dit Paule un jour, il est comme ces cœurs simples qui suivent la courbe… ». La courbe se jettera-t-elle dans la mer ? C’est possible. Hélène a beau s’emmurer dans le silence, avec le temps qui vieillit, elle a l’air de rajeunir.
« Au bon repos », elle a rencontré une résidente, une soi-disant illuminée, parce que sur la porte de sa chambre, cette dernière a collé des messages qui parlent d’anges et de lumière droit devant soi ; des hommes aussi, à qui elle s’adresse en faisant remarquer qu’avant de juger une personne, il faudrait faire un kilomètre dans les chaussures de celle-ci.
Cette femme, qui se dit « PPH » – ne passera pas l’hiver – a le corps grignoté mais encore toute sa tête. Et puis si délicieuse… Avec un sourire aussi grand que sa taille, et qui parle d’espérance, de renaissance… des restes laissés au fond de la boite de Pandore pour qui ne s’en tient pas à « La surface des choses ».
Quelle heureuse rencontre en tous les cas, un cadeau du destin ! Elle avait croisé sa route un jour de semaine où tout, autour d’elle, parlait du monde comme d’une entreprise de démolition. Hélène non plus n’avait rien arrangé, avec son air des mauvais jours…
Après, suite logique ou musicale, la journée s’était terminée dans un café où, avec Paule, elle avait trinqué à la vie, riant à gorge déployée de tout et de rien, et surtout de rien !
La vie était bien là, s’écroulant à leurs pieds, ivre d’enchantements et de désillusions, brutale comme la bouteille qui se fracasse au sol. Pas besoin d’en rougir ou de faire la sainte-nitouche ! Il suffisait de faire danser ses yeux et de la regarder, cette vie. Une vie au ventre éclaté par les fausses rumeurs. Que n’avait-on pas raconté sur elle ! La grande, la petite histoire, la drôle aussi, et la bizarre…
Après quelques bières dans le sang, la délivrance était arrivée. En vrac, comme les verres se vident, elle avait tout dit à Paule : ses doutes, ses rêves, ses désirs ; et surtout Marc, le péril en sa demeure, la respiration enfin.
En attendant, chacune ses plans de vie, presque tracés au cordeau : l’une la Bretagne, l’autre l’Inde avec, entre les lignes, les formes plus lestes de l’imprévu, la chorégraphie propre à chaque instant.
Paule avait parlé moins qu’avant. Elle vieillissait, elle aussi, mais ses rêves n’en étaient pas moins grands.
L’Inde, et puis après, quoi ? Le Nirvana ? Non, ce que voulait son amie, c’était un monde à l’image des abeilles, physiologiquement prédisposées à coopérer, capables même d’aller jusqu’au sacrifice au nom de la communauté.
Un monde d’insectes sociaux capable d’embrasser la biosphère toute entière ? « Dommage que les hommes puissent choisir entre le bien et le mal » avait rajouté Paule. Dommage aussi que la frontière entre hommes et femmes existe toujours… A observer certains, on se serait cru au temple du Pénis. Il fallait les voir, prendre leur place au zinc, lourds comme des voitures qui rentrent au garage.
Mais qu’importait ! C’était si bon, ces couleurs de peau sur la même palette, et tous ces mots, qui tombaient comme de la pluie. On pouvait même s’y attarder ou glisser dessus… Ici, finalement, tous les chats étaient gris. La meilleure école de l’Amour sans doute.
Elle songe à la vie, à ces pas, ces jours, ou ces carrés, qu’on remplit le mieux possible et qu’on pourrait rendre plus élastiques, avec des formes originales, si l’on avait plus l’audace d’être soi-même. Toujours cette obsession dans un coin de la tête : être soi, coûte que coûte, avec ou sans Marc.
Cette résidente, soi-disant « illuminée », représentait le modèle à suivre : enfin quelqu’un qui disait ce qu’il pensait et qui marchait haut et fort sur les qu’en-dira-t-on ! Une fois qu’on avait trouvé sa peau, on devait s’y sentir tellement bien. A multiplier ce genre de personnes par dix, vingt, cent… comme les petits pains, eh bien le monde aurait une meilleure odeur : celle de ces pains justement, qu’on mange croquants et chauds. L’évangile selon sainte Jeanne : casser la croûte et s’envoyer au ciel !
Je ne sais pas très bien à quoi servent les souvenirs sinon à se refaire une vie à son rythme et à ses humeurs. La mer est là, au fond de moi, qui remonte lentement avec les années…
— Alors madame Riot, contente d’aller à la mer !
Tiens, revoilà la rousse. Finalement elle est plutôt gentille, cette femme. Et même si je ne connais toujours pas son prénom, nous nous apprivoisons peu à peu.
J’ai l’impression qu’elle s’inquiète pour sa fille. Et qu’elle s’inquiète d’autant plus qu’elle est bien la seule à s’inquiéter ! Dernièrement, elle m’a parlé de son mari, qui passe plus de temps à jouer à ses jeux vidéo qu’à jouer le rôle de père.
Je n’irai pas sur ce terrain, un véritable glissement… Avoue cependant que l’émancipation des femmes a aussi fait des ravages. Il y a même des couples qui veulent tellement être modernes qu’ils ne font plus rien, ni la mère ni le père.
Certains, d’ailleurs, vont jusqu’à faire la grève. J’ai vu cela à la télévision : ça se passait aux États-Unis. Des parents qui avaient planté leur tente dans le jardin parce qu’ils refusaient de continuer à se laisser faire par leurs enfants !
Bon, j’ignore pourquoi je parle de tout cela moi… Ah oui ! La Rousse. J’espère qu’elle sera de la partie. Là-bas, tu sais, on devra aussi me nettoyer les fesses et me mettre sur la chaise percée. Alors je préfère que ce soit elle, au moins elle est douce.
Ibrahim me repose l’âme mais pour le reste, il faut ce qu’il faut ! Il faudrait aussi qu’il apporte un cerf-volant, cela nous changerait des mouettes.
Mon père adorait les cerfs-volants. Il me disait : « Regarde toutes ces petites têtes dans le ciel comme elles sont belles ! ». Il ne s’agissait pas de têtes bien sûr, mais c’était sa façon à lui de rêver, de remercier l’enfance. Il aimait particulièrement les voir voler quand il faisait « Un temps de chasse d’eau. »