Écrire pour survivre à l’absence : quand la plume devient mémoire, engagement et chemin vers la compréhension
C’est dans le silence de ma maison, enveloppée par une douleur sourde, que j’ai pris la plume pour la première fois. Mon père et ma belle-mère s’éteignaient, emportés par ce que l’on nomme pudiquement une « longue maladie ». Ce départ, cette lente disparition, m’a laissée face à une question vertigineuse : que faire de cette douleur qui vous ronge, même lorsque le quotidien exige de reprendre le fil ?
Le premier tome de ma saga Castel Villerquin, Le Trésor de Jade, suivi des Anges du lac, est né de cette urgence intérieure. Il était ma réponse à mes enfants, eux aussi meurtris, eux aussi en quête de sens. Cette année-là, l’enterrement de mon père eut lieu quelques jours avant Halloween. Une fête suspendue, des larmes retenues, des souvenirs trop lourds pour de jeunes cœurs.
Alors j’ai écrit. L’encre s’est étalée sur le papier comme une offrande. Chaque mot, , chaque phrase, portait en elle le souffle de ceux qui nous avaient quittés. L’écriture n’était plus un simple acte créatif : elle devenait un espace de réconciliation, un lieu où l’absence se transformait en présence, où la douleur se muait en lumière.
Mais écrire, c’est aussi s’engager. C’est refuser le silence, refuser l’effacement. C’est bâtir un sanctuaire de mots pour ceux qui nous ont aimés, pour ceux que nous aimons encore. C’est dire à nos enfants : « Voici ce que fut leur vie, voici ce qu’ils nous ont transmis. » L’écriture devient alors un acte de résistance, mais aussi de compréhension. Elle nous aide à apprivoiser l’inacceptable, à nommer l’indicible, à transformer le chagrin en savoir intime. « Ce ne sont que les vivants qui frémissent face à la mort. Elle est silencieuse pour celui qu’elle emporte. » Lorsque j’ai posté cette phrase sur un réseau, les mots résonnaient en moi comme une vérité nue.
C’est dans ce frémissement que naît l’écriture, dans cette tension entre ce qui fut et ce qui reste.
L’écriture m’a sauvée. Elle fut un exutoire, une réponse à l’absence, un cri silencieux dans la nuit du deuil. En prenant la plume, j’ai découvert une force insoupçonnée, une rage douce qui me soignait autant qu’elle apaisait mes enfants. À travers Le Trésor de Jade et Les Anges du lac, j’ai voulu offrir aux plus jeunes un chemin vers la résilience, vers la compréhension et l’acceptation. On ne peut effacer la douleur, mais on peut apprendre à vivre avec, sans qu’elle nous submerge. Clément, Louison — pseudonyme tendre pour ma belle-mère — et même nos compagnons à quatre pattes ont trouvé leur place dans ces pages. Car un livre ne se ferme jamais tout à fait : on peut le rouvrir, le relire, y retrouver les mots qui nous relient aux absents. L’histoire continue, portée par l’encre et la mémoire.
Dans Le Trésor de Jade, la mort n’est jamais brutale ni froide. Elle s’insinue dans les souvenirs, dans les silences du domaine de Castel Villerquin, comme une présence discrète mais constante. Les enfants, confrontés à l’absence d’un être cher, découvrent que les lieux gardent la mémoire des disparus. À travers les objets, les lettres oubliées, les passages secrets, ils apprennent que la mort ne signifie pas la fin, mais une transformation. Le roman aborde avec délicatesse la douleur du deuil, tout en offrant aux jeunes lecteurs une voie vers la résilience : celle de l’amour transmis, des mystères à résoudre, et des liens invisibles qui unissent les vivants, aux absents.
« La vie, impitoyable, m’a marqué de ses griffes, mon corps ploie, sur le fil du sursis. Mais en mon cœur, dans les bribes qui subsistent, je tends un refuge, à qui en cherche un. » Alan Devon – Tome 5 en cours d’écriture.
L’écriture est ce refuge. Elle est ce lieu où l’on peut déposer ses douleurs, ses souvenirs, ses espoirs. Elle est ce fil ténu entre le passé et l’avenir, entre les vivants et les morts, entre le cri et le silence.

