L’autre jour, alors que je discutais avec une dame, un homme nous a interrompues. J’étais en dédicace et les libraires avaient installé sur ma table une affiche avec la photo de mon roman et mon portrait. L’homme en question a d’abord scruté mon visage imprimé sur le panneau, puis m’a fixée longuement et a lancé : « c’est vraiment vous sur la photo ? »
J’ai souri ne sachant pas s’il fallait lui faire remarquer, avec humour si possible, qu’il était grossier ou s’il était préférable de l’ignorer. La dame interloquée lui a rétorqué que j’avais simplement les cheveux plus courts. Elle s’est ensuite tournée vers moi en levant les yeux au ciel. Bien aimée sororité !
Si, sur le fond, le pauvre type n’avait pas tout à fait tort – il est temps que je retourne en studio faire quelques photos 😉- le monde manque souvent de délicatesse pour nous signifier notre désuétude ! Des publicités récurrentes qui, dès la cinquantaine, inondent nos écrans : produits contre la sécheresse vaginale ou les fuites urinaires, exercices pour ventre mou, gaine automassante, assurances pension, magazine 50+, de l’article ciblé qui s’évertue à nous vanter la sexualité heureuse des quinquas – comme s’il était entendu qu’elle ne le soit plus – au pharmacien à la gueule d’ange qui glisse dans le sac de nos achats des échantillons de crèmes pour peaux matures et rides installées, tout nous crie la fin du monde ! Très vite viendront les langes et les caveaux, les monte escaliers, les rentes viagères, les appareils dentaires et auditifs. Combien de temps des premiers signes de péremption à la casse ? *
Chaque anniversaire évoque cette fatalité. Chaque Noël nous rappelle le précédent, lorsque nos parents étaient un peu moins courbés et nos enfants moins élancés.
Oui, mais moi, dans la tête, j’ai toujours trente ans.
Je me suis arrêtée là.
Et je refuse d’éroder mon « Abracadabra » !
La réalité entière ne devrait-elle pas tenir dans ce tableau-là ?
Doit-on laisser le monde autour, le climat général plombant, nos peaux flétrissantes et nos désespoirs divers faire la loi ?
Doit-on leur laisser insinuer que le merveilleux est condamné à disparaitre alors qu’il nous suffit de garder notre faculté à le percevoir ? A savourer le bonheur d’être là, vivant malgré tout ?
La pire folie dans ce monde de fou ne serait-elle pas de ne pas l’être ?
Je vous souhaite un Noël enchanté !
• Extrait librement interprété du roman « Le second printemps », 180 degrés éditions

