Je me suis toujours demandé pourquoi la mer nous fascinait tant…
Jeudi, je prendrai la mer.
Ce n’est pas mon rêve, c’est celui de mon homme. Moi je préfère la regarder de loin, la mer, me fondre dans ses bleus et ses gris, bien à l’abri de son éventuel courroux. Si la mer me fascine, elle m’affole aussi : je n’ai pas de branchies !
9 jours sans voir la terre, franchement, c’est flippant !
Puis, à force d’y penser, ce rêve je l’ai fait mien.
Comme une urgence à me fabriquer des souvenirs vierges, des coups de poing émotionnels purs et sauvages, nettoyés de tout. Comme une envie soudaine de me perdre dans la beauté de l’océan. De me laisser voguer, bercer, malmener, totalement hors contrôle, dispensée des sensations citadines.
De l’envisager comme un ressac au stress, une permission de prendre les voiles, de les ajuster, de cesser de me plaindre des vents défavorables qui balayent nos vies terrestres inquiètes et trop occupées.
De m’offrir un essentiel, même momentané, une profondeur inégalable, un espace où il me sera impossible de faire semblant. Un espace qui me remettra naturellement à ma place, m’offrant en spectacle une immensité qui me dépasse et me rappelle que, dans le fond, nous sommes sauvages et libres, tout comme lui, si nous le décidons.
L’océan, un lieu sacré qui nous autorise le rêve que nos manières de vivre ont assassiné, une beauté qui nous console, fabuleuse avec ses bruits entêtés, ses bavardages indomptables et irrésistibles, propos étranges et ambigus qui tantôt rassurent, tantôt terrifient.
La mer et rien d’autre !
Alors oui, après 2190 heures de créativité aux abois, 6570 heures d’écriture attachée à une chaise comme un chien à sa laisse, 365 heures de relectures presbytes, 730 heures de planification et de promotion, 45 rencontres littéraires et plus d’une 20aine d’interviews, toutes dans la fatigue et le plaisir, je vais prendre la mer. 9 jours sans voir la terre.
Perdre le rivage de vue, me perdre tout court, pour mieux me retrouver.
Cette urgence, je la sais identique pour chacun de nous.
Car un moment vient le temps où rien d’autre ne compte que de redéfinir notre horizon.

