A part la vie elle-même, je ne connais pas d’activité plus gratifiante que la lecture d’un bon livre. C’est un feu d’artifice sensoriel, émotionnel et intellectuel qui vient illuminer notre conscience, et dont le souvenir nous éblouira longtemps encore après que ses cendres seront retombées. Quelle magie ! Plus la nuit est noire, plus il rayonne. Ma nuit à moi est noire comme l’ébène. Les écrivains sont des magiciens. J’ai toujours voulu être magicien.
Le travail de l’écrivain, sa magie, consiste à donner vie au livre. Le langage est matière. L’écrivain s’en empare pour créer la texture de son texte, il sculpte une histoire, donne forme aux personnages. Une fois encrés, les mots deviennent réalité. La matérialité du livre permet à la fiction de prendre racine dans l’esprit des lecteurs. Elle agit alors comme le fait un rêve ou un cauchemar, en subjuguant l’imaginaire.
L’imagination est une force de vie. Elle nous permet d’être et de nous évader dans d’autres espaces, dans d’autres temps : elle répond à une volonté incessante d’exploration, une curiosité inlassable, une aspiration à transcender les lois de la physique. N’est-ce pas là l’essence même de la nature humaine ? La lecture lui donne corps. Comme toute réalité, la fiction est une illusion. Les lecteurs sont des somnambules. Je suis un somnambule.
Curieusement, il n’existe pas dans la langue française de traduction directe de l’expression anglaise « sense of purpose ». Celle-ci tombe quelque part entre motivation, détermination et raison d’être : elle se présente donc à nous comme une association de malfaiteurs, qui complotent autour du feu de l’imagination pour influencer nos choix et nos actions. Mais sans ces trois mots et leurs manigances, je n’écrirais pas.
Car l’écriture est le revers de la lecture, elle donne à l’écrivain son « sense of purpose ». Elle est le pourquoi du comment, le comment du pourquoi, l’inverse et son contraire. Elle mêle joyeusement l’origine, la trajectoire et la destination dans une pelle de phrases avec laquelle je dégage la neige qui s’amoncelle contre mon cœur. Allez Fabrice ! Ouvre la porte de ce cœur contrit et respire un bon coup ! Dehors, l’air est frais mais vivifiant !
Fabrice Hoerner est l’auteur du roman surréaliste Le Dernier Hôtel, dans lequel un homme frappé d’amnésie explore l’au-delà pour comprendre les circonstances mystérieuses de sa mort. Pour plus d’informations : www.LeDernierHotel.com.

