Je vous propose le lire le premier chapitre d’Objiwana et les siens, et de vous laisser embarquer par un voyage en Arizona dans des paysages à couper le souffle.
Chapitre 1 : Arizona
J’appartiens à mon territoire, l’Arizona, là où les paysages de terres orangées semblent encore plus vastes que le bleu du ciel.
Au crépuscule de ma vie, je reparcours en pensée le chemin que les Esprits m’ont tracé.
Mon sentier de vie a été vertigineux et a emprunté des failles de canyons avec des descentes profondes et des montées ardues. Et j’ai été accompagné du souffle de vents contraires, aussi désordonnés que les chants dissonants de mes ancêtres.
Mon peuple savait dialoguer avec les plantes, les animaux, les astres, les morts. Puis des conquérants venus d’ailleurs nous ont coupés de nos racines en faisant taire nos dieux. L’eau des rivières a été rougie par le sang des générations qui m’ont précédé. Les lacs reflètent les fantômes des batailles passées, la douleur muette des vaincus.
J’ai grandi le cœur hérissé de défenses aussi piquantes que les épines des cactus. J’ai essayé de faire la paix avec moi-même. J’ai vaincu l’alcool et j’ai gagné beaucoup d’argent. Mais j’ai eu besoin de toute ma vie pour me réconcilier avec mon passé. Je garde une colère aussi intense que les couleurs vives des falaises qui s’enflamment au coucher de soleil.
J’ai tenté d’aimer ma femme comme elle l’aurait souhaité et de la garder à mes côtés mais son amant lui est resté fidèle.
J’ai promis à mes enfants de les protéger de la dureté du monde, j’ai cherché à leur transmettre les valeurs de mon peuple. Mais grandir entre deux cultures leur a été difficile, et la vie ne les a pas épargnés.
J’ai fait partie d’une communauté hippie qui prône l’amour et la paix mais j’ai tué un homme.
J’ai voulu réunir les Amérindiens et des Américains autour d’une chute d’eau sacrée, mais j’ai dû surmonter une opposition des deux côtés.
Heureusement la beauté de la nature m’aide à garder ma vitalité intacte.
Le bouillonnement des cours d’eau met en ordre mes pensées. La contemplation des vasques cristallines les apaise. Les failles ocre du Grand Canyon me maintiennent en position verticale. Je me laisse toujours ravir par un champ de fleurs de cactées, violettes et blanches, ou par la vue d’un troupeau de mustangs sauvages. Le bruit d’une cascade, le vol de corbeaux ou le piqué d’un martin-pêcheur me donnent de la rectitude. Quand mon cheval porte son regard rempli d’humanité sur moi, il me rappelle que nous sommes de la même famille. Galoper sur son dos à travers les forêts de séquoias géants adoucit mes peines.
J’ai rencontré de nombreuses pierres sur mon chemin. J’en ai évité certaines. Mon pied a trébuché sur d’autres. J’ai souvent glissé. Je suis parfois tombé. Je me suis relevé. J’ai continué ma route comme j’ai pu.
Pourtant à ma naissance, les Esprits s’étaient penchés sur moi.
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